Un mystère persistait sur le lien entre l’activité mitochondriale et les maladies neurodégénératives : les neurones dysfonctionnent-ils d’abord, entraînant une défaillance des mitochondries, ou, à l’inverse, est-ce l’altération mitochondriale qui cause la maladie neurodégénérative ? Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bordeaux au Neurocentre Magendie, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Moncton, au Canada, apportent enfin une réponse. Pour la première fois, ils ont établi un lien de cause à effet entre les dysfonctions mitochondriales et les symptômes cognitifs liés aux maladies neurodégénératives.
Publiés dans Nature Neuroscience, leurs travaux se sont appuyés sur un outil inédit, développé par l’équipe du laboratoire « Endocannabinoïdes et Neuroadaptation » (unité Inserm 1215) du Neurocentre Magendie, à Bordeaux. Spécialiste des cannabinoïdes, l’équipe avait déjà décrit le rôle spécifique des protéines G dans l’activité mitochondriale. Ils ont ensuite eu l’idée de mettre à profit un outil des neurosciences, les DREADDs (pour Designer Receptor Exclusively Activated by Designer Drugs), qui sont des récepteurs couplés aux protéines G artificiels et généralement utilisés en recherche pour activer ou inhiber des neurones. Ici, les scientifiques ont adapté l’outil aux mitochondries : c’est ainsi qu’est né le récepteur artificiel mitoDREADD-Gs destiné à stimuler directement l’activité de ces organites.
La dysfonction mitochondriale précède la perte des neurones
De nombreuses expériences ont été menées pour s’assurer que les mitoDREADD-Gs activent bien les mitochondries. « Une des manipulations a consisté à vérifier que la stimulation de l’activité mitochondriale pouvait bloquer les effets du THC et notamment la catalepsie et l’amnésie. Et ça a marché chez l’animal », explique au Quotidien Giovanni Marsicano, chef de l’équipe Inserm et coauteur senior de l’étude.
Au-delà des cannabinoïdes, les chercheurs ont ensuite voulu explorer d’autres cas d’application, comme les maladies neurodégénératives. Selon leur hypothèse, une amélioration des symptômes cognitifs après stimulation mitochondriale signifierait que la dysfonction de ces organites intracellulaires précède et cause les symptômes cognitifs liés à une maladie neurodégénérative.
Dans leur étude, ils se sont appuyés sur deux modèles murins de démence génétiquement modifiés pour exprimer mitoDREADD-Gs (dont l’un de maladie d’Alzheimer) et sur un test de mémoire en laboratoire (test de reconnaissance d’objets). En administrant un composé ciblant ces récepteurs artificiels, les chercheurs sont parvenus à provoquer une légère activation de l’activité mitochondriale (augmentation de l’activité de 5 à 10 %), suffisante pour que la souris réussisse le test. « C’est une preuve que l’activité mitochondriale joue un rôle causal dans le symptôme qu’est la perte de mémoire », souligne Giovanni Marsicano.
Les mitochondries, nouvelle cible thérapeutique ?
L’objectif de l’étude est atteint, à savoir « montrer que l’outil marche », poursuit Giovanni Marsicano. Il reste désormais à reproduire et confirmer plus largement ces résultats. « L’expérience est à renouveler avec d’autres modèles animaux de démence et d’autres tests, indique le directeur de recherche. D’autres expériences restent à mener pour s’assurer que ce résultat s’applique à d’autres maladies neurodégénératives et/ou à plusieurs symptômes. » « À terme, l’outil développé pourrait nous permettre d’identifier les mécanismes moléculaires et cellulaires responsables de la démence, et de faciliter le développement de cibles thérapeutiques efficaces », ajoute Étienne Hébert-Chatelain, professeur à l’université de Moncton, l’autre auteur senior de l’étude.
L’équipe espère ouvrir la voie à des collaborations sur les maladies neurodégénératives, mais aussi sur d’autres pathologies impliquant l’activité mitochondriale. « Avec la publication de ces résultats, on s’attend à ce que d’autres laboratoires nous contactent pour utiliser notre outil », ajoute-t-il, soulignant que cette étude est un « bel exemple de collaboration entre laboratoires ».
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