Le temps pour tomber enceinte n’est pas significativement allongé chez les femmes ayant eu un cancer du sein comparé à des femmes n’en ayant pas eu. C’est la conclusion d’une étude prospective française (Feeric), financée par l’Institut national du cancer (Inca) et menée par la Dr Anne-Sophie Hamy, en collaboration avec le réseau de recherche Seintinelles qui met en avant des taux de conception élevés « en vraie vie » chez les survivantes de cancer.
« Ces résultats rassurent sur la faisabilité de la conception naturelle chez les survivantes du cancer du sein et sont en faveur d’un conseil éclairé et équilibré en matière d’oncofertilité, encourageant les premières tentatives de conception naturelle », interprètent les auteurs. En effet, « la plupart des études en oncofertilité se sont concentrées sur l'aménorrhée induite par la chimiothérapie, les options de préservation de la fertilité ou les biomarqueurs de fertilité avant et après la chimiothérapie, mais à notre connaissance, aucune n'a évalué le délai de grossesse chez les patientes ayant des antécédents de cancer du sein par rapport à une population n'ayant pas de tels antécédents ».
« Une des forces de cette étude est qu’elle suit des femmes ayant initié leur première tentative de grossesse pendant l’étude, et qu’elles sont comparées à des femmes de la population générale, ce qui n’avait jamais été fait. Ces précisions permettent de mieux rendre compte de leur fertilité », ajoute pour le Quotidien la Dr Christine Rousset-Jablonski, gynécologue médicale au Centre Léon Bérard et à l’Hôpital Femme Mère Enfant, à Lyon, et présidente de la Société française de gynécologie, qui cosigne l’étude Feeric.
En médiane, les femmes ayant eu un cancer ont mis 5 mois pour tomber enceinte
Les auteurs ont souhaité comparer des femmes âgées de 18 à 43 ans ayant un antécédent de cancer du sein localisé sans rechute (exposées) à des femmes n’ayant jamais eu de cancer du sein (non exposées). Ils ont ainsi recruté des participantes via le réseau collaboratif de recherche Seintinelles qu’ils ont suivies en médiane durant 30 mois. Ainsi, 642 ont cherché à tomber enceintes durant la période de l’étude dont 76 exposées et 566 non exposées. Après appariement, l’âge moyen lors du début des essais pour tomber enceinte était de 35 ans chez les femmes exposées et de 35,7 ans chez les non exposées.
À l’issue de l’étude, 65,8 % des femmes exposées et 71 % des femmes non exposées ont été enceintes au moins une fois. Le délai médian pour aboutir à une grossesse était de 5 et 3 mois, respectivement. « À deux ans, nous avons constaté que parmi les femmes avec un projet de grossesse, 74,1 % des femmes exposées et 74,9 % des femmes non exposées ont été enceintes », précise Christine Rousset-Jablonski.
Concernant l’assistance médicale à la procréation (AMP), « généralement plus fréquente chez les femmes ayant eu un cancer », 9,2 % des femmes exposées y ont eu recours (et 10,5 % à du matériel cryoconservé) contre 4,4 % des femmes non exposées. Le temps médian entre les premières tentatives de conception naturelle et l’AMP était de 12 mois chez les exposées et 21 mois chez les non-exposées. Le délai médian pour tomber enceinte était de 14 et 17,6 mois respectivement, identique qu'elles aient eu ou non un cancer du sein.
L’âge, l’IMC, la régularité du cycle, des facteurs-clés
Les auteurs ont identifié l’âge au moment des essais, la régularité du cycle menstruel, l’IMC et le recours à l’AMP comme facteurs indépendants associés au délai avant une grossesse. Cependant, leur analyse des données montre que le fait d’avoir été ou non exposée ne constituait pas un facteur indépendant de réussite ou d’échec. De même, le fait d’avoir été ou non exposée n’a pas eu d’influence sur le devenir de la grossesse en termes de césarienne, de complications à la naissance et de malformations congénitales. En revanche, les femmes non exposées étaient sujettes à plus de fausses couches que les femmes exposées (17,4 versus 8 %).
Ces résultats apportent « un éclairage important sur les résultats en matière de fertilité des survivantes de cancer du sein » et « remettent en question la croyance de longue date selon laquelle les traitements du cancer du sein réduisent considérablement la probabilité de grossesse », commentent les auteurs. Ils considèrent comme légitime d’essayer une conception spontanée pendant 6 à 12 mois avant de se tourner vers l’AMP (comme chez les femmes non exposées à partir de 35 ans), « selon l’âge de la patiente et son historique médical ».
Pour la Dr Rousset-Jablonski, « ces résultats sont rassurants et, ajoutés aux études ayant mis en évidence que la grossesse n’était pas associée à une augmentation des risques de récidive de cancer du sein, montrent qu’une grossesse est non seulement possible, mais que la conception naturelle l’est souvent aussi ». Cependant, la gynécologue médicale insiste sur le fait « qu’ils ne doivent pas faire oublier l’importance des consultations d’oncofertilité en amont des traitements et de la préservation, si elle est possible ». Enfin, « il ne faut pas laisser dans l’ombre les patientes qui n’ont pas réussi à concevoir au bout de deux ans et poursuivre les recherches sur la fertilité pour ces dernières ».
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