Alors que s’ouvre ce 5 août à Genève des négociations internationales en vue d’un premier traité mondial contre la pollution aux plastiques, des experts alertent dans The Lancet sur le « danger grave, croissant et sous-estimé » pour la santé qu’elle fait peser. « Les plastiques provoquent des maladies et des décès de l'enfance à la vieillesse et sont responsables de pertes économiques liées à la santé dépassant 1 500 milliards de dollars (environ 1 300 milliards d'euros) par an », estiment-ils.
Ces experts ont compilé les données disponibles sur les impacts sanitaires des plastiques, dont les microplastiques et les produits chimiques plastiques, afin d’alimenter la première édition d’un Lancet Countdown sur la santé et les plastiques. « Nous voulons sensibiliser le public au fait que le plastique n'est pas aussi sûr, pratique et bon marché qu'ils le pensent, explique le Pr Philip Landrigan, pédiatre et épidémiologiste, directeur de l'Observatoire mondial sur la santé planétaire du Boston College et auteur principal du rapport. Le plastique est fabriqué à partir de combustibles fossiles, contamine les aliments et l'eau, est lié à de nombreuses maladies humaines et entraîne des coûts élevés en soins médicaux et des dommages environnementaux. »
Des impacts néfastes dès la production
Chaque étape du cycle de vie des plastiques (production, utilisation et élimination) pose des enjeux sanitaires, détaillent les auteurs. Leur production émet des particules fines (PM2,5), notamment du dioxyde de soufre et des oxydes d’azote, auxquelles les travailleurs du secteur peuvent être exposés. Ces émissions ont provoqué 158 000 décès prématurés en 2015, estiment les auteurs. En parallèle, l’exposition de ces mêmes travailleurs aux substances chimiques nécessaires à la production (benzène, formaldéhyde, etc.) serait responsable de 32 000 décès prématurés, toujours en 2015. La plupart de ces décès sont intervenus en Asie et en particulier en Chine, est-il précisé.
Plus de 16 000 substances chimiques composent les plastiques. Pour les trois quarts d’entre eux, les effets sur la santé ne sont pas documentés. Des données sont ainsi disponibles pour seulement un peu plus de 4 200 substances. Parmi elles, 1 500 sont cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. Et 1 700 sont considérés comme toxiques pour un organe en particulier, comme le foie. En dépit de ces menaces, peu d’informations sont disponibles sur la composition chimique et la toxicité de la plupart des plastiques, déplorent les auteurs. « Malgré leur potentiel d'exposition humaine à grande échelle et de danger pour la santé, les produits chimiques plastiques sont soumis à beaucoup moins de contrôle que les produits chimiques destinés à être utilisés comme produits pharmaceutiques », écrivent-ils.
Les effets encore peu documentés d’une imprégnation
Les plastiques sont pourtant retrouvés dans les tissus et fluides humains, y compris in utero. Si les effets sanitaires de cette imprégnation de la population restent à étudier, les auteurs s’alarment des conséquences de leur présence massive. La quantité de plastique produite dans le monde est passée de deux millions de tonnes en 1950 à 475 millions de tonnes en 2022. Sans intervention, la consommation mondiale pourrait tripler d'ici 2060, projette l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Actuellement, moins de 10 % des plastiques sont recyclés. Parmi ceux qui ne sont pas traités, 57 % sont brûlés à l’air libre, est-il estimé, avec un impact en termes de pollution atmosphérique dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les déchets plastiques peuvent par ailleurs servir d’habitat aux moustiques pour pondre leurs œufs et favoriser la croissance de micro-organismes, contribuant potentiellement à la propagation de maladies à transmission vectorielle et à la résistance aux antimicrobiens.
Un nouveau rapport prévu pour mi-2026
Après ce premier état des lieux, les experts entendent poursuivre leur travail d’identification et de suivi des impacts sanitaires des plastiques, à l’image des efforts menés dans le cadre du Lancet Countdown on Health and Climate Change. Un premier rapport est ainsi annoncé pour mi-2026. Plusieurs indicateurs couvriront quatre domaines : production et émissions, expositions, impacts sanitaires, interventions.
« Grâce à ses publications, le Lancet Countdown on Health and Climate Change a placé la prise en compte des impacts du changement climatique sur la santé au cœur du débat sur le climat et a joué un rôle clé dans la décision d'intégrer explicitement la santé humaine dans les négociations annuelles sur le climat, à commencer par la COP 28. Ce nouveau volet fournira les données nécessaires pour garantir que la santé reste au cœur du débat sur la pollution plastique », explique l’épidémiologiste Joacim Rocklöv, de l'Université de Heidelberg (Allemagne), coprésident de ce nouveau Lancet Countdown.
Alors que le cycle de négociations ouvert à Genève pour parvenir à un accord mondial contre la pollution aux plastiques durera 10 jours, les experts appellent les dirigeants à prendre conscience de l’ampleur et la gravité des effets de cette pollution généralisée. « Ces impacts touchent plus durement les populations vulnérables, en particulier les nourrissons et les enfants », rappelle le Pr Philip Landrigan. « À ceux qui sont réunis à Genève : veuillez relever le défi et saisir l'opportunité de trouver un terrain d'entente qui permettra une coopération internationale significative et efficace face à cette crise mondiale », lance-t-il.
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