C’est peu dire que la lecture de l’arrêté paru le 31 juillet 2025 au « Journal officiel » qui fixe le nombre de postes d’internes ouverts pour la rentrée 2025-2026 les a agacés. Les Futurs dermato-vénérologues de France (FDVF) n’ont tout simplement pas compris la décision du gouvernement de restreindre le nombre d’internes en dermatologie à 102, sur une promotion de 8 919 postes, en hausse franche de près de 1 000 postes par rapport à l’année précédente.
Les dermatos, non content de ne voir aucune augmentation de postes, en ont même perdu un par rapport à 2024. Dans les rangs des FDVF, c’est la « consternation ». Malgré de longues discussions en amont, malgré des réunions de concertation avec les instances de la spécialité dont le contenu a été porté à la connaissance du gouvernement et de l’Organisme nationale de la démographie des professions de santé (ONDPS), rien de leur argumentaire n’a été retenu. « Ce ne sont pas des pleurnicheries ! La différence se joue à un poste, certes, ça paraît peu mais cela fait des années qu’on alerte les pouvoirs publics sur la démographie en berne des dermatologues, et ça va s’aggraver ! s’alarme Olivier Philip, vice-président de l’association d’internes et de jeunes spécialistes. Nous ne sommes pas entendus alors que la problématique de l’accès aux soins dans notre spécialité est cruciale. »
Selon lui, ouvrir 124 postes d’internes auraient pu suffire en 2025 pour améliorer la situation. « C’était possible et réaliste ! », insiste le futur médecin. Pour bien faire, il aurait même fallu monter à 150 postes pour faire passer le ratio de 3,26 dermatologues pour 100 000 habitants en 2024, à cinq ou six médecins pour 100 000 habitants.
La médecine esthétique, un faux problème
Les jeunes dermatologues dénoncent aussi l’« incohérence » des pouvoirs publics, qui n’hésitent pas à s’émouvoir sur la pratique de la médecine esthétique dans leur spécialité mais n’ouvrent pas assez de postes d’internes pour contenir la pénurie médicale. Or « le poids de la pratique de la dermatologie esthétique est moins significatif que celui de la baisse de la démographie médicale », argumentent les FDVF. « Contrairement aux idées reçues, l’activité esthétique ne représente qu'une faible part de notre exercice : pour 64 % des praticiens, elle constitue moins de 10 % de leur activité, et seuls 5 % des dermatologues en ont fait leur activité principale », insistent les jeunes.
Autre argument, médical cette fois : l’incidence en hausse des cancers cutanés. Le mélanome est le premier cancer en augmentation de fréquence, insistent les FDVF. « Il y a une vraie différence entre un diagnostic posé à deux semaines et un posé à six semaines », ajoute Olivier Philip.
Nous sommes habités d’une conscience professionnelle. Où est la prise de conscience politique ?
Dr Luc Sulimovic, président du SNDV
Le Dr Luc Sulimovic partage l’« indignation » et « l’inquiétude » des jeunes. Le président du Syndicat national des dermato-vénéréologues (SNDV) comprend que la priorité en termes de postes d’internes aille à la médecine générale, « spécialité en souffrance comme la nôtre » mais il pointe lui aussi le manque de « logique » du gouvernement. « Si on veut lutter contre les cancers, il faut des dermatologues ; on ne peut pas nous reprocher nos délais de rendez-vous et ne pas augmenter le nombre de postes d’internes, assène-t-il. Je rappelle que 13 % de spécialistes continuent à exercer après 70 ans. Nous sommes habités d’une conscience professionnelle. Où est la prise de conscience politique ? »
La Cnam dénombre 2 300 dermatologues libéraux en exercice en 2023. Cette même année, seuls 89 d'entre eux se sont installés en ville. Plus de deux sur cinq ont 60 ans ou plus.
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